OPINION. L'énergie nucléaire réduit la dépendance de l'Europe au gaz russe et américain et accroît l'autonomie stratégique du continent. Nous devons investir dans l'énergie nucléaire. (*) Par Mate Litkei, Directeur de l'Institut de politique climatique.

Après des mois de négociations menées par le Gouvernement français, dix États membres de l'Union européenne se sont engagés à soutenir l'énergie nucléaire. En conséquence, la Commission européenne a présenté sa proposition de nouveau règlement sur la taxonomie verte, qui fait du nucléaire une source d'énergie "verte".

Pourquoi ce règlement sur la taxonomie est-il important ?

Afin d'atteindre la neutralité carbone, l'Union européenne dans son ensemble a décidé d'éliminer progressivement la source d'énergie la plus polluante du mix énergétique du continent, le charbon. Maintenant que cette décision est prise, il ne faut pas oublier que la demande d'électricité augmente non seulement parce que le niveau de consommation d'énergie augmente d'année en année, mais aussi parce que nous électrifions de plus en plus d'équipements, du chauffage aux transports. Pour remplacer le charbon, nous n'avons véritablement que l'énergie nucléaire et les énergies renouvelables pour produire une énergie neutre en carbone. Mais les énergies renouvelables dépendantes des conditions météorologiques sont-elles prêtes à jouer leur rôle dans le système énergétique européen ?

La Hongrie présente une étude de cas intéressante. Nous disposons d'une capacité d'environ 2.000 MW, tant pour les énergies renouvelables que pour l'énergie nucléaire. Bien que la production nucléaire soit constante, le jour du record historique de consommation, le 9 décembre 2021, la production d'électricité renouvelable n'a pu couvrir que 5,5 % de la demande totale de 7361 MW. L'énergie solaire et l'énergie éolienne sont vulnérables aux conditions météorologiques - et malheureusement, la percée du stockage de l'énergie n'est pas à notre horizon. L'expérience de la Hongrie plaide clairement en faveur de l'énergie nucléaire comme source d'énergie de base.

La Hongrie n'est pas la seule à être de cet avis. Le gouvernement français connaît très bien cette réalité et, par conséquent, lorsque le président Emmanuel Macron se bat pour le nucléaire dans le cadre du règlement sur la taxonomie, il ne défend pas seulement les intérêts français, mais il représente en fait la réalité quotidienne des pays de l'Union européenne qui ont besoin du nucléaire aujourd'hui et à l'avenir. Il dresse la liste des sources d'énergie dans lesquelles les secteurs privé et public peuvent investir en tant qu'investissement durable reconnu. Les sources d'énergie qui ne figurent pas sur la liste auront du mal à attirer les investissements à long terme. Le président Macron a raison de dire que le nucléaire doit être inclus.

Le nucléaire est bon pour le climat : les centrales ne produisent aucun gaz à effet de serre pendant leur fonctionnement et, au cours de son cycle de vie, le nucléaire a à peu près les mêmes émissions d'équivalent CO2 par unité d'électricité que l'éolien, et un tiers de celles du solaire. L'année dernière, l'Allemagne a fermé trois blocs nucléaires, ce qui a entraîné une augmentation de 13 % de la part du charbon dans le mix énergétique et de 5 % des émissions de CO2. Cette situation est perverse.

Contrairement aux éoliennes, le nucléaire est également bon pour l'environnement naturel : si nous voulions produire la même quantité d'énergie avec des éoliennes qu'avec des centrales nucléaires, il nous faudrait 360 fois plus de terres constructibles.

Mais ce débat ne se limite pas aux questions écologiques.

L'énergie nucléaire est fiable et peut fournir une grande quantité d'énergie propre de manière stable et prévisible. En ces temps de crise énergétique, la stabilité n'a pas de prix.

L'énergie nucléaire est abordable. Les ménages européens paieront en moyenne 54 % de plus pour l'énergie qu'il y a deux ans : au Royaume-Uni, les prix de gros du gaz ont augmenté de 250 % depuis janvier 2021. Cette situation est insoutenable. Bien que le nucléaire nécessite un investissement initial important, son exploitation est bon marché et le prix de la production est prévisible et stable.

Enfin, l'énergie nucléaire réduit la dépendance de l'Europe au gaz russe et américain et accroît l'autonomie stratégique du continent.

L'autonomie stratégique est d'ailleurs essentielle : c'est pourquoi le débat sur le nucléaire ne porte pas uniquement sur l'énergie. Il s'agit de respecter le droit des pays à constituer leur propre mix énergétique.

Une politique qui exclut certaines sources d'énergie via un biais idéologique et tente d'imposer l'uniformité à une communauté de pays diversifiée est vouée à l'échec. Pour s'en convaincre, il suffit de constater que les gouvernements de la Hongrie et de la France - idéologiquement opposés à bien des égards - sont unis sur la question de l'autonomie stratégique et sur la nécessité d'un mix énergétique diversifié.

En décembre 2021, le Président Macron était en Hongrie. Il a déclaré lors de la conférence de presse qui a suivi la rencontre avec Viktor Orbán que "nous sommes à la fois des adversaires politiques et des partenaires européens". Ce sont les mots d'un homme politique véritablement pragmatique. Bien que les deux dirigeants aient des opinions différentes sur de nombreux points, Macron et Orbán ont reconnu que leurs pays ont également des intérêts communs.

La France et la Hongrie, pour préserver leur souveraineté énergétique et leur autonomie stratégique, doivent dépasser leurs différences et s'accorder autour d'une position commune en matière d'investissement dans le nucléaire. Les plans récents de taxonomie de l'Union Européenne devraient encourager ce partenariat, et non l'entraver. L'avenir énergétique de l'Union Européenne en dépend !

VIA: latribune.fr